L’invention de la trinité

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Ont assurément rejeté la foi ceux qui affirment que Dieu est la troisième personne d’une trinité. Or, il n’y a qu’un seul Dieu en droit d’être adoré[1]

 

Comme tous les prophètes bibliques, Jésus est venu enseigner l’unicité de Dieu et l’obligation de fuir le culte des fausses divinités. D’où vient donc le dogme de la trinité – doctrine chrétienne du Dieu unique en trois personnes – qui s’y oppose clairement ? Le terme trinité apparaît-il seulement dans la Bible ? La réponse nous est donnée par André-Marie Gérard dans son Dictionnaire de la Bible : « Il peut sembler étrange de faire figurer dans un dictionnaire biblique ce mot qui ne se trouve en aucun texte de la Sainte Ecriture. Le Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens d’Albert Blaise signale sa première apparition chez saint Théophile d’Antioche (vers 180), sous la forme grecque, bien entendu, de Trias. »[2] Il ajoute plus loin : « En outre, ce qui restera toujours affirmé, et même rappelé par Jésus lui-même, c’est l’Unicité de Dieu, en opposition au polythéisme qui fut la tentation permanente pour le peuple élu. » « Si Dieu n’était pas Un, il n’y aurait pas de mystère de la Trinité » conclut-il très sérieusement[3].

Tom Harpur, théologien anglican, écrit à ce sujet dans son livre intitulé For Christ’s Sake (Pour la cause du Christ) : « On ne trouve aucune mention du dogme de la Trinité dans la Bible. Et si Saint Paul avait une vision large du rôle et de la personne de Jésus, à aucun moment il n’affirme que Jésus est Dieu. Jésus lui-même n’a jamais prétendu qu’il était la deuxième personne de la Trinité et qu’il occupait exactement le même rang que Dieu. En tant que juif pieux, il aurait même condamné ce genre de pensée. »[4]

L’Encyclopædia Britannica confirme : « Le terme Trinité n’apparaît pas dans le Nouveau Testament, pas plus d’ailleurs que cette notion. En outre, le Christ et ses disciples n’ont jamais contredit la profession de foi employée dans l’Ancien Testament : Ecoute Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur (Deut. 6, 4). En réalité, le dogme de la Trinité s’est élaboré sur plusieurs siècles, suscitant de nombreuses controverses. Ce n’est qu’au cours du concile de Nicée (325) qu’est affirmé que le Fils est consubstantiel au Père. Quant au Saint Esprit, une simple allusion lui est faite. Il faudra attendre la fin du quatrième siècle pour que le dogme de la Trinité soit établi. »[5]

Ce qui apparaît en revanche clairement dans le Nouveau Testament, à travers les mots de Jésus, c’est l’affirmation explicite de l’unicité de Dieu professée par l’Ancien Testament et prêchée par tous les prophètes qui l’ont précédé, comme le prouve ce passage de Matthieu : « Et l’un d’eux, docteur de la loi, lui fit cette question, pour l’éprouver : Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. »[6] Le Coran confirme que tous les prophètes sont venus prêcher l’unicité de Dieu : « Nous avons suscité à chaque peuple un Messager qui l’a exhorté à adorer Dieu et à fuir les fausses divinités. »[7] Selon le Coran, Jésus lui-même s’est adressé à ses contemporains en ces termes : « Dieu, en vérité, est mon Seigneur et le vôtre, auquel vous devez un culte exclusif et sincère. Telle est la voie du salut. »[8]

S’agissant du second commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », le Prophète Mouhammad a dit : « Nul d’entre vous n’aura véritablement la foi tant qu’il n’aimera pas pour son prochain ce qu’il aime pour lui-même. »[9]

Les textes, nombreux, sont très clairs : il n’y a qu’un seul Dieu, appelé parfois Dieu le Père. A l’inverse, le dogme de la trinité n’est établi par aucun passage de la Bible. S’agissant du passage de la première Épître de Jean (5, 8) que l’on trouve dans certaines versions : « Car il y en a trois qui rendent témoignage au ciel : le Père, le Verbe et le Saint Esprit, et les trois sont un », les spécialistes de la Bible ont établi qu’il n’était qu’une interpolation dont le but est d’établir par la manipulation le dogme de la trinité. Ce passage figure ainsi dans la Bible de Douai publiée par les catholiques en 1582, et l’édition du Roi James, publiée en 1611. Mais il a depuis été retiré de la plupart des traductions – à l’image de la Bible Louis Segond, de la TOB, de la Bible de Chouraqui ou de la Bible de Jérusalem – lorsqu’il fut découvert que ce passage fut en réalité ajouté, sous la pression de l’Église catholique, à la troisième édition du Nouveau Testament en grec d’Erasme (1522) sur laquelle s’est appuyée par la suite la troisième édition de la bible de Robert Stephanos (1550). Les mots : « Car il y en a trois qui rendent témoignage au ciel : le Père, le Verbe et le Saint Esprit, et les trois sont un » sont d’ailleurs absents des manuscrits les plus anciens à l’image du Codex sinaiticus, du Codex vaticanus et du Codex alexandrinus. En réalité, ils n’apparaissent dans aucun manuscrit antérieur au XVIe siècle.

Voici ce qu’écrit à ce sujet Frederick Henry Ambrose Scrivener, prêtre anglican, spécialiste de la Bible et membre du Comité de révision du Nouveau Testament anglais qui a produit la Version anglaise révisée de la Bible (1885) : « Nous devons proclamer sans hésitation notre conviction que les mots contestés n’ont pas été écrits par saint Jean. A l’origine, ils furent introduits dans les copies latines, en Afrique, d’abord dans la marge, en tant qu’explication pieuse et orthodoxe de 1 Jean 5, 8, ensuite dans le corps même du texte, puis on les fit passer dans deux ou trois manuscrits grecs à une époque relativement récente et ensuite dans le texte grec imprimé, là où, légitimement, ils n’avaient pas le droit de se trouver. »[10]

Il n’est donc pas étonnant de voir certains chrétiens rejeter la trinité, à l’image des unitaristes à partir du XVIe siècle.



[1] Coran 5, 73.

[2] Dictionnaire de la Bible, p. 1349-1350.

[3] La notion de mystère fut le seul moyen trouvé par l’Eglise pour justifier les incohérences, invraisemblances et contradictions de ses dogmes.

[4] For Christ’s Sake, Tom Harpur, Beacon Press, Boston, 1987, p. 11.

[5] Encyclopædia Britannica, 15ème édition, vol. 11, p. 928.

[6] Matthieu 22, 35-40.

[7] Coran 16, 36.

[8] Coran 3, 51.

[9] Certains chrétiens seront peut-être surpris par les similitudes entre le message de l’islam et de celui de Jésus. Rien d’étonnant à cela puisque les prophètes ont été envoyés par le même Dieu avec un seul message que l’on pourrait résumer ainsi : adore Dieu sans rien lui associer, message sur lequel insiste l’Ancien Testament, et aime ton prochain, enseignement omniprésent dans le Nouveau Testament.

[10] A Plain Introduction to the Criticism of the New Testament, Scrivener, 1894, tome II, page 407.