Nous avons de même
contracté une alliance avec ceux qui se disent chrétiens qui, eux aussi,
ont tourné le dos à une partie des enseignements qu’ils ont reçus[1]
1- Les sacrements chrétiens
Si le credo chrétien n’a
été établi que très tardivement, au IVe siècle, les sacrements de
l’Église sont encore plus tardifs puisqu’ils apparaissent pour la première fois
au XIIe siècle, en particulier dans la Somme des sentences de Pierre
Lombard, archevêque de Paris. Voici comment le dictionnaire Larousse les
définit : « Acte rituel ayant pour but la sanctification de celui qui
en est l’objet. » Les Églises catholique et orthodoxes en reconnaissent
sept : le baptême, la confirmation, l’eucharistie (la Cène), le mariage, la
pénitence, l’ordre et l’onction des malades. Une question se pose
donc d’emblée : ces sacrements, si tardifs, ont-ils été institués par
Jésus ? La réponse est malheureusement négative. Voici ce qu’écrit
l’historien des religions, Charles Guignebert, à ce
sujet : « N’est-il pas évident que Jésus-Christ ne devait guère
songer à fonder des rites, fussent-ils les signes sensibles d’une grâce qu’il
accordait aux hommes ? Quel sens donner, en effet, à sa réaction contre le
ritualisme pharisien s’il le reconstruisait à mesure qu’il le démolissait ? Et, à un autre point de vue, de quel intérêt
pouvait être l’établissement d’une liturgie pour celui qui, non seulement
n’avait pas l’intention de fonder une religion nouvelle, mais encore annonçait
la fin imminente du monde ? Les textes évangéliques confirment ces
remarques de simples bon sens. »[2]
Tout comme le dogme
chrétien, les rites chrétiens sont donc une invention de l’Église qui pourtant,
avec Paul, prétendait que le croyant était justifié par la foi, non plus par
les actes. Les sacrements chrétiens, pure invention humaine, se sont donc
substitués à la Loi instaurée par Dieu pour les hommes, de même que la Trinité
a remplacé la croyance en l’unicité absolue de Dieu, fondement de l’Ancien
Testament. Les hommes d’Église admettent rarement l’origine humaine des
sacrements, mais l’un d’entre eux reconnaît en toute bonne foi que Jésus n’a
pas institué ces rites chrétiens. On peut en effet lire dans le journal Chemins
d’Espérance en date du mois de septembre 2014 un article d’Eric
Brauns, du centre théologique de Poitiers, sur l’institution des sacrements :
« Les sept sacrements de l’Église catholique ont été codifiés au XIIe
siècle et, à la Réforme, nos frères protestants les ont ramenés à deux : le
baptême et la Cène. Il y aurait encore beaucoup de questions à approfondir mais
le temps manque. On demande souvent : les sacrements ont-ils été institués par
le Christ ? La réponse est non, à l’exception de l’eucharistie, la veille de sa
mort. »
Ce commentaire appel deux
remarques : la première est que les protestants ne reconnaissent que deux
des sept sacrements ce qui prouve qu’au moins cinq d’entre eux n’ont pas été
institués par Jésus. C’est d’ailleurs pour condamner cette croyance protestante
que le concile de Trente est convoqué par le pape Paul III en 1542. Après pas moins de
dix-huit années de débat, le concile œcuménique confirme donc la liste des
sept sacrements de l’Église présentés
comme tous nécessaires au salut et maintient le
dogme de la transsubstantiation – la conversion du
pain et du vin en corps et sang du Christ lors de l’Eucharistie par
l’intermédiaire du Saint-Esprit – que les protestants remettaient également en
cause. Le concile affirme à ce sujet : « Par la consécration du pain
et du vin s’opère le changement de toute la substance du pain en la substance
du Corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la
substance de son Sang. Ce changement, l’Église catholique l’a justement et
exactement appelé transsubstantiation. » Autrement dit : le pain et
le vin consacrés par le prêtre deviennent réellement le corps et le sang du
Christ au moment de l’Eucharistie !
Cette doctrine de la «
présence réelle » du Christ au moment de la consommation du pain et du vin
de l’Eucharistie n’est ni plus ni moins, pour les musulmans, que l’une des
formes d’idolâtrie dont l’Église est coutumière, car elle revient à vénérer du
pain et du vin. Le christianisme est, plus généralement, pour les musulmans une
religion idolâtre puisque les chrétiens adorent également la croix, mais aussi
les saints dont le culte, condamné par les protestants, est également confirmée
par le concile de Trente.
La seconde remarque est
que l’Eucharistie n’a pas été institué par Jésus lors de la Cène, le dernier
repas pris par le Christ avec les apôtres et auquel un passage du Coran semble
faire allusion[3]. Si le
repas est attesté par les quatre Évangiles, la parole : « Faites ceci
en mémoire de moi » attribuée à Jésus au moment du partage du pain et de
la coupe lors de son dernier repas est une tradition propre à Paul[4].
Seul Luc, considéré comme le disciple de Paul, la reprend à son compte[5],
mais l’expression est absente de
plusieurs manuscrits anciens de l’évangile de Luc. Les deux autres évangiles
synoptiques, ceux de Matthieu[6]
et de Marc[7],
ne rapportent pas cette parole censée instituer l’Eucharistie. Quant au
quatrième évangile, la Cène n’y est tout simplement pas mentionnée, remplacée
par le récit du lavement des pieds !
2- Le
monachisme
Autre pratique inventée
par les chrétiens, le monachisme – le mode de vie des moines – condamné
explicitement comme une invention humaine par le Coran : « Nous avons, à leur suite, envoyé d’autres Messagers, suscitant
Jésus, fils de Marie, auquel Nous avons confié l’Evangile. Nous avons placé
dans le cœur de ses disciples compassion et miséricorde, mais ne leur avons pas
imposé la vie monastique qu’ils ont eux-mêmes inventée pour plaire à Dieu sans
toutefois l’observer comme il se doit. »[8]
Et, de
fait, selon la tradition chrétienne, le monachisme apparaît autour de Pacôme le
Grand, vers 329 en Egypte, trois siècles donc après la disparition de
Jésus qui n’a pas enseigné à ses disciples de vivre en reclus, mais de se mêler
aux hommes afin de leur annoncer l’avènement du royaume : « Allez,
prêchez, et dites : Le royaume des cieux est proche. »[9]
Arrêtons-nous
à présent sur un autre passage du verset qui vient d’être mentionné, les
paroles : « Nous avons
placé dans le cœur de ses disciples compassion et miséricorde » qui
sont très élogieuses envers les disciples de Jésus. Cet autre passage coranique :
« Tu constateras que les hommes les plus
enclins à montrer de la sympathie aux musulmans sont ceux qui se disent
chrétiens »[10] donne
une place tout à fait particulière aux chrétiens dans le Coran, seul groupe
religieux, en dehors de celui des musulmans, à être ainsi décrit de manière
positive par Dieu.
Autre pratique proche du
monachisme inventée par les chrétiens, le célibat imposé par l’Église aux
religieux et qui s’appuie sur une interprétation stricte de cette phrase de Paul dans
l’Épître aux Romain (8, 8) : « Ceux qui vivent selon la chair ne
sauraient plaire à Dieu ». Du célibat Rousseau disait : « L’homme
n’est pas fait pour le célibat, et il est bien difficile qu’un état si
contraire à la nature n’amène pas quelque désordre public ou caché. »[11]
Les conclusions de la commission Sauvé – commission indépendante sur les abus
sexuels dans l’Église – rendues publiques début octobre 2021 ont
malheureusement donné raison au philosophe français : au moins
216 000 enfants ont été victimes de violences sexuelles de la part d’un
prêtre, d’un diacre ou d’un religieux en France depuis 1950, leur nombre
passant à 330 000 en comptant les victimes de religieux liés à
l’Église : catéchisme, aumônerie, mouvements de jeunesse.