Le dogme de la Rédemption

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Adam prononça alors certaines paroles inspirées par son Seigneur qui accepta son repentir. C’est Lui, en effet, le Très Miséricordieux, Celui qui accepte toujours le repentir de Ses serviteurs[1]

 

Le récit du péché originel d’Adam et Eve, qui mangent des fruits de l’arbre défendu dans le jardin d’Eden, est bien connu. En punition, Dieu les chasse du Paradis terrestre en informant la femme qu’elle enfantera dans la douleur et l’homme qu’il devra travailler à la sueur de son front. Eve s’entend dire : « J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. »[2] Adam et les hommes après lui sont condamnés à mener une vie de labeur pour tirer leur subsistance de la terre : « Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre : Tu n’en mangeras point ! Le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. »[3] Mais selon les chrétiens, toutes ces peines ne suffisent pas à apaiser la colère de Dieu qui doit envoyer son Fils unique mourir sur terre afin d’expier le péché originel transmis par Adam et Eve à leur postérité : c’est le dogme de la rédemption.

Voici à présent le récit coranique du péché commis par Adam et Eve : « Nous avons dit : « Adam ! Demeure en compagnie de ton épouse au Paradis dont vous pourrez manger paisiblement et librement tous les fruits. Mais n’approchez pas de l’arbre que voici, sans quoi vous transgresseriez l’interdit. » Mais Satan provoqua leur chute en les incitant à manger des fruits de l’arbre interdit, les faisant chasser du Paradis où ils jouissaient de tous les délices. Nous avons dit : « Descendez d’ici ! Vous serez ennemis les uns des autres sur terre où vous pourrez séjourner et jouir quelque temps de la vie. » Adam prononça alors certaines paroles inspirées par son Seigneur qui accepta son repentir. C’est Lui, en effet, le Très Miséricordieux, Celui qui accepte toujours le repentir de Ses serviteurs. Nous avons dit : « Descendez tous d’ici ! Une révélation destinée à vous montrer la voie du salut vous sera transmise de Ma part. Celui qui s’y conformera sera préservé de toute crainte et de toute affliction. » Quant aux impies qui renient Nos signes, ils sont voués au feu de l’Enfer où ils demeureront pour l’éternité. »[4]

Deux passages du récit coranique le distinguent du récit biblique.

Premièrement : Dieu a accepté le repentir d’Adam, le péché originel est pardonné : le dogme de la rédemption n’a donc plus de justification.

Deuxièmement : le salut ne s’obtient pas en croyant que Dieu a envoyé son Fils mourir pour le péché des hommes, mais en se conformant à la Révélation que Dieu leur enverra par l’intermédiaire des prophètes.

D’ailleurs Jésus lui-même ne dit pas autre chose : « Dès ce moment, Jésus commença à prêcher, et à dire : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. »[5] Le salut des hommes passe par les œuvres et le repentir, non par le sacrifice d’un seul homme.

Le dogme de la rédemption repose en vérité sur trois croyances :

1. L’existence du péché originel.

2. La croyance que la justice de Dieu exige que l’expiation du péché se fasse par l’effusion de sang.

3. La croyance que Jésus a expié les péchés des hommes par sa mort sur la croix et que le salut est réservé à ceux qui croient en ce sacrifice.

Au sujet de la première partie de ce dogme, le père De Groote, dans son livre L’enseignement catholique (p. 140), écrit : « Les Saintes Ecritures nous enseignent que le péché d’Adam fut transmis à tous les hommes (exceptée la Sainte Vierge). » Voici ce qu’écrit Paul dans son épître aux Romains : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché. »[6]

Comme d’autres croyances chrétiennes, cette doctrine du « péché originel » s’oppose aux enseignements de Jésus et des prophètes qui l’ont précédé. Tous les prophètes ont, au contraire, affirmé que chacun de nous était responsable de ses propres actes et que les enfants ne seraient pas châtiés pour les péchés de leurs pères. Nul ne naît pécheur. Jésus lui-même considérait les enfants comme des êtres innocents et purs qui ne naissaient pas dans le péché, comme l’indique clairement ce récit : « Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est réservé à ceux qui leur ressemblent. Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point. »[7]

La deuxième partie de la doctrine chrétienne de la rédemption affirme que la justice de Dieu exige qu’un prix soit payé pour le péché originel, ainsi que pour tous les autres péchés humains. Si Dieu pardonnait à un pécheur sans le punir cela reviendrait à nier sa justice infinie. Le père W. Goldsack dans son livre La Rédemption (p. 5) écrit à ce sujet : « Cela doit être clair comme le jour pour tout un chacun : Dieu ne peut enfreindre ses propres lois, il ne peut pardonner à un pécheur sans lui avoir tout d’abord infligé une punition appropriée. Car s’il agissait ainsi, comment pourrait-il encore s’appeler  « le Juste » ou « l’Equitable » ? » Or, selon la croyance chrétienne, héritée du judaïsme et des religions païennes, seule l’effusion de sang peut effacer le péché, conformément à ces paroles de Paul : « Et presque tout, d’après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon. »[8] Nouvelle contradiction de Paul qui fonde le dogme de la rédemption sur cette règle tirée de la Loi qu’il prétend par ailleurs avoir été abolie.

Cette croyance reflète une ignorance totale de la nature de Dieu et de sa justice infinie. Dieu n’est pas un juge ou un simple roi. Il est, au contraire, tel que le Coran le décrit, « le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, Maître du Jour de la rétribution »[9]. Dieu peut parfaitement pardonner à un homme qui s’est sincèrement repenti et qui désire renoncer au péché.

La troisième partie du dogme chrétien de la rédemption affirme que Jésus a expié, par son calvaire et sa mort sur la croix, le péché originel, ainsi que tous les autres péchés humains, et que, donc, le salut ne peut être gagné sans la foi en ce pouvoir rédempteur du sang du Christ. Le père De Groote, dans son livre L’enseignement catholique (p. 162), écrit ce qui suit : « Puisque le Christ, le Dieu incarné, a endossé l’expiation de nos péchés, réalisant ainsi ce qu’exige la justice divine, il est pour cette raison le médiateur entre le Seigneur et l’homme. » En conséquence, nul ne peut être sauvé s’il n’accepte Jésus comme sauveur. Tout homme est voué à souffrir éternellement en Enfer en raison de sa nature pécheresse, à moins qu’il n’accepte le rachat du genre humain par le Christ au prix de son sang. Paul prétend ainsi que Jésus : « s’est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité »[10]. Les chrétiens affirment donc que Jésus a volontairement subi la mort en expiation des péchés des hommes. Voici le point de vue de l’islam à ce sujet :

Premièrement : l’affirmation que le péché d’Adam fut transmis à sa descendance contredit les textes de l’Ancien Testament – que Jésus, selon ses propres dires, n’est pas venu abolir -, dont celui-ci : « Les parents ne seront pas mis à mort pour les crimes commis par leurs enfants, ni les enfants pour ceux de leurs parents : si quelqu’un doit être mis à mort, ce sera pour son propre péché. »[11] Ce passage biblique est en parfait accord avec le Coran où l’on peut lire : « Nul être ne portera le fardeau d’un autre. »[12]

Deuxièmement : Adam s’est repenti de son péché, comme le prouve ce passage de Genèse 5, 5 qui indique qu’Adam vécut neuf cent trente ans après avoir mangé de l’arbre défendu : « Tous les jours qu’Adam vécut furent de neuf cent trente ans; puis il mourut ». Or, il est dit quelques pages avant cela, en Genèse 2, 17 : « Mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. » Cette longévité d’Adam indique, en réalité, qu’il s’est repenti de son péché et que Dieu lui a pardonné, comme l’affirme clairement le Coran : « Adam prononça alors certaines paroles inspirées par son Seigneur qui accepta son repentir. C’est Lui, en effet, le Très Miséricordieux, Celui qui accepte toujours le repentir de Ses serviteurs. »[13] Ne périt en réalité que celui qui ne se repent pas de son péché : « Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également. »[14]

L’islam rejette catégoriquement le dogme de la rédemption. Le pardon des péchés ne peut être obtenu par la souffrance et le sacrifice de qui que ce soit, mais uniquement par la grâce de Dieu, par un repentir sincère, et par le renoncement au péché. L’islam promet le salut à quiconque croit en l’Unicité de Dieu tout en accomplissant de bonnes actions. Le Très Haut dit : « Quant à ceux qui croient et accomplissent de bonnes œuvres, ils sont promis au Paradis où ils demeureront éternellement. »[15]



[1] Coran 2, 37.

[2] Genèse 3, 16.

[3] Genèse 3, 17.

[4] Coran 2, 35-39.

[5] Matthieu 4, 17.

[6] Romains 5, 12.

[7] Marc 10, 14-15.

[8] Hébreux 9, 22.

[9] Coran 1, 3-4.

[10] Tite 2, 14.

[11] Deut. 24, 16.

[12] Coran 53, 38.

[13] Coran 2, 37.

[14] Luc 13, 3.

[15] Coran 2, 82.