Le Coran est en accord avec la critique textuelle de la Bible

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Dieu dit dans le Coran : « Espérez-vous que les fils d’Israël acceptent votre foi alors qu’une partie d’entre eux, après l’avoir écoutée et en avoir saisi toute la portée, ont sciemment falsifié la parole de Dieu ? »[1]

Annoncée il y a plus de quatorze siècles par le Coran, l’altération des Écritures a été confirmée depuis près de deux siècles par la critique textuelle de la Bible. Voici par exemple ce qu’écrit l’orientaliste allemand Theodor Nöldeke (1836-1930) au sujet de l’Ancien Testament : « La Torah fut rédigée et rassemblée neuf cents ans après Moïse, sur une très longue période au cours de laquelle le texte a dû subir des ajouts et des suppressions, au point qu’il serait bien difficile de trouver aujourd’hui un passage complet de la Torah telle qu’elle fut apportée par Moïse. »[2]

Au sujet des Évangiles, le dictionnaire Vigouroux affirme : « De tout ce qui précède, il résulte clairement que le texte grec du Nouveau Testament ne s’était pas transmis intégralement pur et qu’il circulait, au cours du IIe siècle déjà, avec des variantes. Quelle est l’origine de ces leçons différentes ? Beaucoup proviennent de la négligence des anciens copistes, qui n’apportaient pas à la transcription du texte le soin qu’auraient mérité les livres du Nouveau Testament. »[3]

Charles Guignebert, titulaire de la chaire du christianisme à la Sorbonne de 1919 à 1937, confirme : « La critique libérale qui s’est livrée, surtout au XIXe siècle, à un travail patient de recherches et d’exégèse, autrement dit d’explication sur les écrits du Nouveau Testament, n’admet plus l’authenticité traditionnelle de la plupart d’entre eux. »[4]

Il écrit par ailleurs : « La critique libérale affirme au contraire que le premier Evangile (Matthieu) et le second (Marc) sont, dans leur état actuel, des œuvres composites, des combinaisons de traditions diverses, nullement écrites de premier jet par un apôtre. Pour le troisième (Luc), la question ne se pose pas, puisque son auteur avoue qu’il a travaillé d’après plusieurs sources. Elle affirme encore que tous trois présentent des divergences graves et que cependant, pris dans leur ensemble, ils nous donnent une conception de Jésus inconciliable avec celle qui ressort du quatrième Evangiles, lequel, en tout état de cause, ne saurait être de Jean l’apôtre. Enfin, elle éloigne de la mort de Jésus la date de la composition des Evangiles, ce qui diminue l’autorité de leur témoignage. »[5]

Charles Guignebert écrit par ailleurs dans sa biographie de Jésus : « Trop fréquentes et trop graves sont les contradictions entre les trois synoptiques. C’est une plaisanterie de soutenir qu’elles ne portent que sur des détails et que les évangélistes s’accordent sur l’essentiel. L’essentiel, c’est qu’ils empruntent à une source commune, et leurs trois témoignages n’en font qu’un ; la liberté avec laquelle chacun d’eux exploite le fond commun est terriblement inquiétante quant à la fixité de la tradition et à sa solidité. Une étude attentive des textes synoptiques révèle un travail de légende que chaque évangéliste accomplit à sa façon. »[6]

Bart Ehrman, professeur à la faculté de théologie de l’université de Caroline du Nord, spécialiste reconnu du Nouveau Testament, est l’auteur d’un best-seller intitulé Jesus, Interrupted où il démontre que la Bible est remplie d’erreurs, d’incohérences et de falsifications évidentes, mais également que nombre de récits et de doctrines qui fondent la religion chrétienne ne sont pas tirés des Evangiles. Il explique par exemple que seulement 8 des 27 livres du Nouveau Testament ont réellement été écrits par les auteurs à qui ils sont attribués, les autres étant vraisemblablement des contrefaçons, que le Credo et la Trinité sont des constructions tardives, et que la souffrance et la divinité du Christ ne font pas partie des enseignements de Jésus. Voici ce qu’il écrit au sujet des transformations subies par l’Évangile : « Nous n’avons les originaux d’aucun des livres du Nouveau Testament. Les seules copies à notre disposition sont en réalité très éloignées chronologiquement des textes originaux, la plupart leur sont postérieures de plusieurs siècles. Nous avons des milliers de ces copies en grec – la langue dans laquelle tous les livres du Nouveau Testament ont été écrits – mais toutes ces copies contiennent des erreurs, des glissements accidentels de la part des scribes ou des modifications intentionnelles opérées par des scribes voulant changer le texte pour lui faire dire ce qu’ils voulaient ou ce qu’ils croyaient être la vérité. Nous ne connaissons pas le nombre exact d’erreurs dans les copies qui nous sont parvenues, mais elles semblent se compter par centaines de milliers, au point qu’il y a plus de différences entre ces manuscrits que de mots dans le Nouveau Testament. »[7]

Toutes ces constatations ont poussé Bart D. Ehrman, a affirmé dans Misquoting Jesus (p. 122) : « Ils ont volontairement modifié les textes à leur disposition de sorte qu’ils soient plus clairement en accord avec leur opinion théologique, et plus éloignés de l’opinion théologique de leurs adversaires. »

Il ajoute à la page 207 : « Plus j’étudie en profondeur les manuscrits de la Bible, plus je saisis à quel point les textes ont pu être fondamentalement modifiés au fil des années par la main des copistes qui ne se sont pas contentés de préserver les Écritures mais qui les ont également transformées. » Au sujet des discordes qui opposèrent les chrétiens dans les premiers siècles, il affirme dans son ouvrage intitulé The Orthodox Corruption of Scripture : « Dans ce contexte dominé par les dissensions, les copistes ont très souvent falsifié les Saintes Écritures, en leur donnant le sens qu’ils pensaient, à priori, être celui de ces textes, pour de simples raisons théologiques. »

Il ajoute plus loin : « Les manuscrits du Nouveau Testament n’ont pas été recopiés de manière rigoureuse, d’une manière exempte d’erreurs, mais par des hommes en concurrence et engagés dans des querelles. Ce contexte marqué par les discordes et les dissensions a-t-il joué un rôle dans la manière dont ils ont recopié les Saintes Écritures ? Cette étude a précisément pour but de montrer que ces conditions extérieures eurent effectivement une influence et que les querelles théologiques, en particulier celles liées à la nature du Christ, poussèrent les copistes chrétiens à transformer le texte des Écritures afin de les utiliser dans leurs controverses. Les copistes ont donc opéré de nombreuses modifications dans les manuscrits qui étaient entre leurs mains afin de les rendre plus clairement « orthodoxes » (conformes au dogme dominant). »



[1] Coran 2, 75.

[2] Die semitischen Sprachen, Theodor Nöldeke, 1899.

[3] Dictionnaire de la Bible Vigouroux, tome 5, deuxième partie, p. 2117.

[4] Manuel d’histoire ancienne du christianisme : les origines, Charles Guignebert, Alphonse Picard et Fils, Paris, 1906, p. 29.

[5] Ibidem, p. 31-32.

[6] Jésus, Charles Guignebert, Renaissance du Livre, Paris, 1933, p. 502.

[7] Jesus, Interrupted, Revealing the Hidden Contradictions in the Bible, Harper Collins, 2009, p. 183-184. Ce livre a été traduit en français sous le titre : La construction de Jésus, comment l’Eglise a manipulé les Evangiles et trahi la parole du Christ (2010).