L’Eternel est venu du Sinaï, il s’est levé
de Séïr, et il a resplendi de la montagne de Paran (Deutéronome 33, 2)
Les
commentateurs modernes de la Bible placent généralement le désert de Paran au
nord de la péninsule du Sinaï, soit à l’ouest de la mer Rouge, mais cette
localisation nous semble erronée pour plusieurs raisons.
Premièrement : la Bible nous apprend qu’Ismaël, après avoir été chassé
avec sa mère Agar, « habita dans le désert de Paran » (Genèse 21, 21). Or,
précise André-Marie Gérard dans son Dictionnaire de la Bible, « le
désert est resté hanté par les tribus ismaélites notamment à l’époque où, selon
le document sacerdotal, les Hébreux le traversent après avoir quitté le Sinaï.
» (Dictionnaire de la Bible, p. 1046)
Pourtant, le même André-Marie Gérard écrit, après avoir cité les douze fils
d’Ismaël : « Ce sont là les noms de tribus nomades ou semi-nomades du
nord de l’Arabie. » (Dictionnaire de la Bible, p. 556)
Deuxièmement : un autre passage de la
Bible établit un lien étroit entre Paran et l’Arabie. On peut ainsi lire en
Habacuc 3, 3 : « Dieu
vient de Teman, le Saint vient de la montagne de Paran. » Or,
le terme Teman signifie « le midi » en hébreu, ce qui place cette
région au sud de la Palestine, en Arabie, que nous la placions au nord de la
péninsule arabique, comme certains le pensent ou au sud, au Yémen actuel, comme
d’autres l’affirment.
Troisièmement : Origène, Père de
l’Eglise, écrit ce qui suit : « Abraham prit une autre femme qui
s’appelait Qetura qui lui enfanta Zimran. Des enfants de Qetura naquirent
beaucoup de nations qui vécurent dans le désert de Troglodyte et l’Arabie
heureuse, et au-delà, jusqu’aux terres de Madian et la ville de Madian, situés
dans le désert au-delà de l’Arabie dans la région de Paran, à l’est de la mer
rouge. » (Selecta in Genesim. Patrologiae, Series Graeca, Origène, éditions J.P. Migne,
1857, vol. 12, p. 119-120)
Quatrièmement : dans sa traduction en latin d’Onomasticon d’Eusèbe,
Jérôme fait ce commentaire au sujet d’Horeb : « Il s’agit de la montagne de Dieu dans la région de Madian, à côté du Sinaï, au-delà de
l’Arabie, dans le désert, à l’endroit où se rencontrent la montagne et le
désert des Sarrasins, qui s’appelle Paran. »
Cinquièmement : dans son Dictionnaire
de la Bible, Jean-Augustin Bôst place clairement Paran en Arabie, et même
dans la région du Hedjaz. Décrivant l’Arabie Pétrée ou rocheuse, il
écrit : « C’est maintenant la province d’Hedjaz : on y trouve au
sud-ouest les villes fameuses de La Mecque et de Médine, lieux de pèlerinages
chers aux mahométans. Cette contrée se divisait autrefois en pays d’Edom,
désert de Paran, pays de Cusan, etc. »
Sixièmement : la Bible indique que les
Hébreux traversèrent le désert de Paran après avoir quitté le Sinaï :
« Et les enfants d’Israël partirent du désert de Sinaï, selon l’ordre fixé
pour leur marche. La nuée s’arrêta dans le désert de Paran. » (Nombre 10, 12) Or, nous
avons démontré un article précédent que le mont Sinaï se trouvait très
probablement au nord-ouest de l’Arabie, à Madian. C’est d’ailleurs l’erreur de
localisation du mont Sinaï qui a dû conduire les commentateurs chrétiens à
situer Paran dans la péninsule égyptienne désignée aujourd’hui comme le Sinaï.
Or, l’emplacement du
désert de Paran et de la montagne du même nom revêt une importance capitale. En
effet, selon les commentateurs musulmans, ce passage de Deutéronome :
« L’Eternel est venu du Sinaï, il s’est levé de Séïr, et il a resplendi de
la montagne de Paran » est l’énumération des trois lieux où s’est
manifestée la Révélation divine qui est comparée ici à la lumière du
soleil : le Sinaï où Moïse a reçu la Loi, Séïr en Palestine où Jésus a
prêché, et la montagne de Paran, en Arabie, plus précisément dans le Hedjaz,
que les musulmans considèrent comme les montagnes de la Mecque où le prophète
Mouhammad a reçu ses premières révélations. Ce passage de la Bible est, selon
eux, à rapprocher de ces versets du Coran où Dieu jure par ces trois
lieux saints : « Par le figuier et
l’olivier ! Par le mont Sinaï ! Par cette cité sûre ! » (Coran
95, 1-3)