Cet oracle
d’Esaïe est appliqué par les chrétiens à Jésus : « Voici
mon serviteur que je soutiendrai, mon élu en
qui mon âme prend plaisir. J’ai mis mon esprit sur lui, il annoncera la justice
aux nations. Il ne criera point, il
n’élèvera point la voix, et ne la fera point entendre dans les rues. Il ne
brisera point le roseau cassé, et il n’éteindra point la mèche qui brûle
encore. Il annoncera la justice selon la vérité. Il
ne se découragera point et ne se relâchera point, jusqu’à ce qu’il ait établi
la justice sur la terre, et que les îles espèrent en sa loi […] Moi, l’Eternel, je t’ai appelé pour le salut, et je te
prendrai par la main, je te garderai, et je t’établirai pour traiter alliance
avec le peuple, pour être la lumière des nations,
pour ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de prison le captif, et de
leur cachot ceux qui habitent dans les ténèbres […] Chantez à l’Eternel un cantique nouveau, chantez ses
louanges aux extrémités de la terre, vous qui voguez sur la mer et vous qui la
peuplez, îles et habitants des îles ! Que le désert et ses villes élèvent la
voix ! Que les villages occupés par Qedar élèvent
la voix ! Que les habitants de Sela tressaillent d’allégresse ! » (Esaïe 42, 1-11)
Selon André-Marie Gérard,
ce passage prédit la réhabilitation des descendants de Qedar
dans la Jérusalem future (Dictionnaire
de la Bible, p. 1161). Or, nous avons démontré dans un article précédent
que la Jérusalem future annoncée dans la Bible par les prophètes hébreux n’est
autre que la Mecque. En outre, Qedar, le second fils d’Ismaël, est mentionné par
les historiens arabes dans la généalogie du prophète Mouhammad. Selon les
musulmans, ce passage est donc une annonce de l’avènement du Prophète à la Mecque.
Contrairement à Jésus, le Prophète correspond parfaitement à la description de
ce « serviteur » qui « annoncera la justice aux nations ».
En effet, Mouhammad est plus d’une fois désigné dans le Coran comme « le serviteur de Dieu » comme dans ce
verset : « C’est lui qui révèle à son serviteur des versets
parfaitement clairs afin de vous tirer des ténèbres vers la lumière. » (Coran 57, 9) De même, il
aimait être appelé ainsi par ses compagnons auxquels il dit un jour :
« Ne me vénérez pas comme les chrétiens vénèrent le fils de Marie, car je
ne suis qu’un serviteur. Aussi, appelez-moi : le serviteur de Dieu et son
envoyé. » (Al-Boukhâri, 3372) Par ailleurs,
contrairement à Jésus qui, de son propre aveu, n’a été envoyé qu’aux brebis
perdues de la maison d’Israël (Matthieu 15, 24), Mouhammad fut envoyé à toutes les nations de la terre. Du prophète
Mouhammad, Dieu dit dans le Coran : « Nous ne t’avons envoyé que par
miséricorde pour l’humanité. » (Coran 21, 107)
Ces paroles d’Esaïe
« il ne se découragera point et ne se relâchera point, jusqu’à ce qu’il
ait établi la justice sur la terre, et que les îles espèrent en sa loi »
décrivent précisément tous les combats engagés par le prophète de l’islam tout
au long des vingt-trois années de sa prédication pour
propager son message et sa loi, là où Jésus, dont la vie publique a duré tout
au plus trois années, n’a apporté aucune loi, disant au contraire : « Ne croyez pas que je sois venu pour
abolir la Loi ou les prophètes. » (Matthieu 5, 17) Remarquons que
le texte dit « sa loi » et non
« la loi », ce qui signifie que ce « serviteur » apportera
une nouvelle loi, la loi islamique, après la loi mosaïque.
Nous avons vu dans le
verset coranique cité il y a quelques lignes que le Prophète fut suscité aux
hommes afin de les « tirer des ténèbres vers
la lumière » ce qui correspond parfaitement aux paroles
d’Esaïe : « pour être la lumière des nations, pour ouvrir les yeux
des aveugles, pour faire sortir de prison le captif, et de leur cachot ceux qui
habitent dans les ténèbres ».
Enfin et surtout, Esaïe
invite les Arabes
du Hedjaz, symbolisés ici par Qedar, et les habitants de Sela, capitale
de l’ancienne Arabie Pétrée, à se réjouir et à glorifier le Seigneur qui leur a
envoyé son serviteur et son élu, l’un des leurs, afin de les tirer des ténèbres
vers la lumière. Une recherche rapide dans la Bible indique que la seule nation invitée comme ici à se réjouir, en dehors
d’Israël évidemment, est la nation arabe, symbolisée par son plus illustre
ancêtre, Qedar, dont descend la tribu Qouraych (The Historical
Geography of Arabia, Charles Forster, London, vol. 1, p. 238-266). Or, l’une des seules régions de l’ancien monde où le
christianisme n’est jamais parvenu à s’implanter est précisément le Hedjaz,
généralement rétif à toute influence extérieure, peuplé par les tribus arabes
et plus particulièrement par les fils de Qedar. Et si le christianisme parvient
à s’installer à la périphérie de l’Arabie, au sud sous l’influence des Abyssins
et au nord, sous l’influence de l’empire byzantin, il ne réussira jamais à
pénétrer le cœur de la péninsule arabique, le Hedjaz, patrie des fils de Qedar.