L’invention de l’imam occulté

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Le récit incroyable de l’occultation du Mahdi

L’histoire stupéfiante de ce douzième imam, l’imam « occulté », commence par un événement qui faillit sonner le glas du chiisme. Le onzième imam, Al-Hasan Al-‘Askari, mourut en l’an 260 de l’hégire, sans laisser de postérité. Al-Koulayni rapporte le récit qui suit : « Lorsque Al-Hasan Al-‘Askari fut enterré, le gouverneur et les gens se mirent à la recherche de l’enfant qu’on lui prêtait. On ne laissa aucune maison sans l’inspecter. On attendit avant de partager son héritage. Des gens furent chargés de surveiller l’esclave qui pensait être enceinte de lui jusqu’à ce qu’il apparaisse clairement qu’elle ne portait pas son enfant. Son héritage fut alors partagé entre sa mère et son frère Ja’far. »[1] Le pilier du chiisme, l’imamisme, venait de s’effondrer, d’autant que, selon eux, la terre ne peut être laissée sans imam un seul instant. Ainsi, Al-Koulayni, attribue ces paroles à l’imam Abou ‘Abdillah : « Si la terre se retrouvait sans imam, elle perdrait toute stabilité. »[2] Et il prête ces mots à leur cinquième imam : « Si l’imam était enlevé de la terre un seul instant, celle-ci serait secouée avec ses habitants comme les hommes sont secoués en mer. »[3]

Mais le dogme de l’Occultation permit de sauver le chiisme – et la terre – de la disparition. Les cheikhs chiites prétendirent en effet que leur onzième imam avait en réalité un fils, Mouhammad, qui avait été « occulté », pour le protéger des sunnites, et dont ils attendent le retour depuis près de douze siècles. En effet, au milieu de la perplexité et de la confusion qui s’emparèrent des chiites, un homme appelé ‘Outhmân ibn Sa’îd Al-‘Oumari prétendit qu’Al-Hasan Al-‘Askari avait en réalité un fils âgé de cinq ans qui n’apparaissait qu’à lui et qui était l’imam qui avait succédé à son père. Il expliqua que cet imam, âgé à peine de cinq ans, l’avait désigné pour récolter la dîme qui lui était destinée et répondre en son nom aux questions religieuses.

A la mort de ce ‘Outhmân (en 280 de l’hégire), son fils Mouhammad prétendit, comme son père, avoir été désigné par l’imam caché comme son représentant légale. Mais certains chiites ne l’entendirent pas de cette oreille. Les chiites se divisèrent alors en plusieurs courants, chacun maudissant et désavouant ses concurrents dans la course aux richesses, le Khoumous, que cette fonction permettait d’amasser.

Puis, avant de mourir, Mouhammad, le fils de ‘Outhmân, désigna pour le remplacer dans cette fonction Al-Housayn ibn Rawh An-Nawbakhti, ce qui provoqua une nouvelle scission parmi les chiites, chaque secte maudissant les sectes concurrentes. Enfin, dans le but de mettre fin à leurs dissensions, Al-Housayn ibn Rawh désigna ‘Ali ibn Mouhammad As-Samri comme son successeur[4]. As-Samri fut le porte-parole officiel du Mahdi trois années durant. Mais, interrogé sur son lit de mort sur l’identité de son successeur, il répondit : « Allah a un plan qu’Il va exécuter. »[5] Devant la multiplication des prétendants au poste de porte-parole de l’imam caché, compte tenu des sommes astronomiques que cette fonction leur permettait d’amasser, les cheikhs chiites affirmèrent que ce dernier était entré, avec la mort d’As-Samri, dans une nouvelle phase d’Occultation, majeure celle-ci, si bien que nul ne pouvait plus le voir. La période au cours de laquelle ces quatre hommes exercèrent la fonction de représentants du Mahdi est appelée « Occultation mineure », car il fut encore visible à une poignée d’hommes, ses porte-parole, suivie d’une « Occultation majeure » qui se poursuit depuis près de douze siècles.

Aussi surprenante qu’elle puisse paraître, cette histoire est l’un des fondements du chiisme, auquel tout imamite est tenu de croire.

Le dogme de l’Occultation a laissé perplexes plus d’un cheikh chiite qui doutèrent de son authenticité, d’autant que l’imam caché n’a jamais donné signe de vie et qu’il est censé être en vie depuis maintenant près de douze siècles ! Leur cheikh Ibn Bâbawayh relate ce qui suit : « Je suis revenu à Naysâbour où j’ai pu constater que la plupart de ceux, parmi les chiites, qui venaient me consulter étaient intrigués par l’Occultation et ne cachaient pas leur perplexité au sujet du Mahdi… »[6]. Si des doutes ont pu travailler les chiites à l’époque d’Ibn Bâbawayh mort en 381 de l’hégire, c’est-à-dire, un siècle seulement après l’Occultation, on ose à peine imaginer les doutes qui doivent tirailler aujourd’hui les chiites, après douze siècles d’attente. D’ailleurs, nombre de chiites ont tourné le dos à l’imamisme en raison de ce dogme. En effet, ils attribuent les mots qui suivent à l’un des compagnons de leur cinquième imam : « J’ai longuement réfléchi à la naissance du Mahdi, à son interminable occultation, à l’âge qui doit être le sien aujourd’hui, à l’épreuve qu’il constitua pour les croyants, aux doutes que sa longue occultation a pu susciter dans les cœurs des chiites, à l’apostasie de la plupart d’entre eux…»[7].

Le rôle du douzième imam lorsqu’il réapparaîtra

1- Il se vengera d’Abou Bakr, ‘Oumar et ‘Âïchah

Les cheikhs chiites ont clairement affirmé que le Mahdi, dont ils attendent impatiemment la venue, ressuscitera Abou Bakr et ‘Oumar avant de les crucifier au tronc d’un palmier. Il les mettra à mort mille fois dans la même journée. « Puis il les crucifiera au tronc d’un arbre et ordonnera au feu de sortir de la terre et de les brûler avec l’arbre. Puis il ordonnera au vent de disperser leurs cendres dans la mer. »[8]

Al-Majlisi affirme pour sa part : « Lorsque le Mahdi apparaîtra, il ressuscitera ‘Âïchah afin de lui infliger la peine légale. »

2- Il massacrera les Arabes

Voici l’une de leurs traditions : « L’imam Abou ‘Abdillah u a dit : Il n’y aura plus alors entre nous et les Arabes qu’une lutte à mort. Puis il passa sa main sur son cou. »[9]

3- Il détruira la Mosquée sacrée, la Mosquée du Prophète et le tombeau du Messager

Ils attribuent mensongèrement ces paroles à l’imam Abou ‘Abdillah : « Le Mahdi détruira la Mosquée sacrée, afin de la rebâtir sur ses véritables fondations, et la Mosquée du Messager afin de la reconstruire sur ses fondations. »[10] Le retour du prétendu Mahdi s’étant fait attendre, les Qarâmites chiites s’emparèrent de la Pierre noire lors de leur expédition contre la Mecque en l’an 317 de l’hégire. Celle-ci demeura entre leurs mains vingt-deux ans.

Ils attribuent également ces mots à leur Mahdi : « Je viendrai à Yathrib et détruirai le tombeau du Prophète. »[11]

4- Il appliquera les lois de la famille de David

Al-Koulayni prétendit que ‘Ali, fils d’Al-Housayn, fut interrogé en ces termes : « Selon quelles lois gouvernerez-vous ? » Il répondit : « Les lois de la famille de David. Et si nous rencontrons une difficulté, l’Esprit Saint nous inspirera la solution. »[12]

Le dogme du retour (Raj’ah)

Le douzième imam ne sera pas le seul à réapparaître avant le Jour de la résurrection. Les chiites croient en effet au retour à la vie terrestre, avant le Jour de la résurrection, d’un grand nombre de morts, au nombre desquels les imams et les prophètes, sous la forme qui était la leur de leur vivant. Ils ont inventé cette tradition : « N’est pas des nôtres celui qui ne croit pas en notre retour. »[13] Leur cheikh Al-Majlisi écrit à ce sujet : « La croyance au retour à la vie de certains morts avant le Jour de la résurrection a de tout temps fait l’unanimité des chiites et est connue de tous. »[14]

La croyance au retour à la vie avant le Jour de la Résurrection est contredite par le Coran lui-même. Le Très Haut dit en effet : « Lorsque la mort se présente à l’un d’entre eux, il dit : « Seigneur ! Rends-moi à la vie, afin que je puisse accomplir les bonnes actions que j’ai délaissées. » Sûrement pas ! Ce ne sont là que des mots. Ils en seront empêchés jusqu’au Jour où ils seront ressuscités. »[15]

Pour quelle raison, selon les cheikhs chiites, l’ensemble des prophètes et des Messagers seront ramenés à la vie terrestre ? Afin de combattre sous l’étendard de ‘Ali dont ils seront les soldats ! Ils attribuent en effet ces paroles à l’imam Abou ‘Abdillah : « Il n’est pas de prophète ou de Messager qu’Allah ne fera revenir à la vie afin qu’il combatte sous la bannière de ‘Ali ibn Abi Tâlib. »[16]



[1] Al-kâfi (1/503).

[2] Ibidem (1/127).

[3] Bihâr al-anwâr (23/34).

[4] Ibidem (51/107-108).

[5] Ibidem (51/361).

[6] Ibidem (1/73).

[7] Ibidem (51/220), chapitre : L’Occultation des prophètes prouve celle de l’imam.

[8] Ibidem (53/14).

[9] Ibidem (52/349).

[10] Ibidem (52/338).

[11] Ibidem (53/104).

[12] Al-kâfi (1/300), chapitre : Les imams jugeront selon la loi de David et de la famille de David.

[13] Man lâ yahdourouhou al-faqîh (3/584).

[14] Bihâr al-anwâr (53/122).

[15] Sourate Al-Mou’minoun, versets 99-100.

[16] Bihâr al-anwâr (53/41).